Messieurs,

À l’heure où l’avenir de notre État fédéral se joue entre vos mains, au gré de vos négociations, coups de force, de poker ou de théâtre, nous tenons à vous faire part de notre sérieuse inquiétude quant au sort réservé aux droits des femmes.

Nous, associations luttant quotidiennement pour une société plus égalitaire et plus juste, avons pris connaissance des déclarations de politique régionale et communautaire, en Wallonie comme en Flandre, et constatons amèrement qu’elles nous donnent plus de craintes pour l’avenir que de garanties pour nos droits. Au nord comme au sud du pays, les lunettes de genre semblent absentes sur des questions aussi cruciales que le logement ou l’emploi, et les chapitres « égalité » apparaissent bien maigres. L’accueil de la petite enfance, enjeu central pour l’accès des mères au marché du travail, se voit contaminé par des logiques marchandes et l’introduction, voire le renforcement, de priorités données aux parents qui travaillent porte atteinte au principe d’égalité entre les enfants.

À partir du moment où les mêmes partis – les vôtres – sont à la manœuvre dans les régions et au fédéral, comment ne pas redouter des politiques similaires pour votre futur gouvernement ? Ce qui filtre (ou ne filtre pas) des négociations de l’Arizona est par ailleurs loin de nous rassurer. Les réformes socioéconomiques sur la table risquent une fois de plus de toucher davantage les femmes, puisqu’elles sont statistiquement déjà plus pauvres que les hommes. La lutte contre les violences, ou pour l’égalité entre les femmes et les hommes ? Des non-sujets, semble-t-il. Sauf quand il s’agit de revenir en arrière, en proposant de supprimer les quotas de genre dans les CA des entreprises ? En Arizona, les droits des femmes pèsent peu face aux intérêts économiques…

Messieurs, l’avenir du pays, une fois encore, semble se décider « entre hommes ». Bien sûr, vous ne manquerez pas d’objecter : « Nul besoin d’être une femme pour mener des politiques d’émancipation pour tous et toutes ». Alors prouvez-nous que les enjeux d’égalité et que les droits des femmes, enjeux vitaux – car oui, il s’agit parfois de vie ou de mort ! – sont au cœur de vos préoccupations et de vos politiques. Montrez-nous que nos craintes ne se justifient pas et que la lutte contre les discriminations et les violences fondées sur le genre vous concerne au premier chef.

Laissez-nous tout d’abord vous rappeler qu’adopter des lunettes de genre pour chaque politique porte un nom : le gender mainstreaming et son corollaire, le gender budgeting. En l’occurrence, c’est une loi, donc une obligation à laquelle vous devrez vous conformer : celle d’évaluer en amont l’impact qu’aurait une mesure sur les femmes et sur les hommes et de rectifier le tir si cet impact devait se révéler différent en fonction du genre, donc discriminant. Cette application rigoureuse de la loi gender mainstreaming est un préalable et sous-tend dix mesures que nous estimons indispensables pour les droits des femmes et que nous vous conseillons fortement d’inscrire dans votre déclaration de politique générale (dix mesures qui ne sont pas listées ici par ordre de priorité) :

  1. Créer un ministère des Droits des femmes et de l’Égalité de genre, de plein exercice, doté de moyens suffisants et maintenir la Conférence Interministérielle Droits des femmes comme outil de coordination des politiques d’égalité menées par les différentes entités fédérées, selon les principes de fonctionnement tels que définis sous la précédente législature.
  2. Élaborer un nouveau plan d’action national de lutte contre les violences basées sur le genre (PAN) assorti d’un budget conséquent, avec pour boussole la Convention d’Istanbul, en partant de l’évaluation du PAN 2021-2025 et avec une implication directe et structurelle de la société civile. Nous veillerons aussi à la mise en œuvre effective de la loi « Stop Féminicide ».
  3. Améliorer la loi sur l’avortement selon les recommandations du rapport du groupe d’expert∙es multidisciplinaires, remis au Parlement en avril 2023, dont l’allongement du délai jusqu’à 18 semaines post-conception, la fin des sanctions pénales pour les femmes et les médecins et la suppression du délai de réflexion.
  4. Supprimer le statut de cohabitant·e et permettre à tous, et surtout à toutes, la constitution de droits sociaux propres, personnels et assurantiels, dans une logique de sécurité sociale forte et égalitaire sans sabrer dans d’autres mécanismes comme les allocations de chômage. Nous nous opposons fermement à toute mesure visant à limiter les allocations de chômage au-delà de deux années !
  5. Garantir une pension minimum digne et égalitaire, réellement accessible aux femmes, ce qui implique de supprimer la condition de vingt années de travail effectif (et certainement pas d’augmenter le nombre d’années !), de tenir compte de toutes les périodes assimilées, qu’elles soient prises pour des raisons de soin (crédit-temps pour s’occuper des enfants, par exemple) ou liées à une inactivité involontaire (incapacité/invalidité de travail), et de revaloriser les années travaillées à temps partiel. Alors que l’écart de pension entre femmes et hommes est déjà de 26 %, nous nous inquiétons fortement d’une réforme qui viendrait encore appauvrir de nombreuses pensionnées.
  6. Transformer le SECAL (service des créances alimentaires) en un fonds universel et automatique des créances alimentaires tel que préconisé par l’étude de faisabilité confiée par l’Institut pour l’égalité des femmes et des hommes à la KU Leuven et l’Université d’Anvers et publiée en octobre 2024.
  7. Prendre en compte les spécificités genrées des parcours migratoires féminins, dont les violences que fuient les femmes, celles qu’elles rencontrent dans leur parcours et dans le pays d’accueil, dans le cadre d’une politique migratoire respectueuse de l’État de droit, de la Convention de Genève, de la Convention d’Istanbul et des droits humains fondamentaux.
  8. Élaborer un plan d’action national contre le racisme, selon l’engagement pris par la Belgique à la Conférence de Durban de 2001, avec une réelle approche intersectionnelle et décoloniale qui reconnaît les formes de racisme qui affectent spécifiquement les femmes.
  9. Revaloriser les métiers du soin, majoritairement féminins, dont on a vu le caractère essentiel durant la crise sanitaire, ce qui passe par une revalorisation salariale, de meilleures conditions de travail, une reconnaissance de la pénibilité de ces métiers et des maladies professionnelles qui y sont associées. Nous nous opposons fermement à toute coupe dans le secteur de la santé et du non-marchand ainsi qu’à tout ce qui mène à des emplois de plus en plus précaires qui rendent malades et ne permettent plus de vivre dignement (comme par exemple, l’élargissement des flexi-jobs à ces secteurs).
  10. Garantir et renforcer les congés thématiques en les rendant plus accessibles, mieux rémunérés et mieux partagés. Pour que la conciliation entre nos vies professionnelle et familiale cesse de reposer sur les épaules des mères, et de les appauvrir !

Messieurs, il est grand temps de tenir compte de la moitié de la population belge dans vos négociations. Les droits des femmes et l’égalité de genre ne sont ni une matière résiduelle, ni une variable d’ajustement budgétaire ou un objet de marchandage politique. L’objectif de l’égalité demande de l’ambition, de la volonté politique et des moyens. Ne rien faire, c’est déjà reculer. Nous ne tolérerons aucun recul sur nos droits !

Signataires :

Carte blanche coordonnée par Vie Féminine et le Vrouwenraad

  • Awsa-Be (Arab women’s solidarity association – Belgium)
  • BruZelle asbl
  • Centre de Prévention des Violences Conjugales et Familiales (CPVCF)
  • Collectif contre les violences familiales et l’exclusion (CVFE)
  • Collectif des femmes
  • Des Mères Veilleuses
  • Elles pour Elles asbl
  • La Fédération des services maternels et infantiles (FSMI)
  • La Fédération Laïque de Centres de Planning Familial
  • Femmes CSC
  • Furia
  • GACEHPA (Groupe d’action des Centres extrahospitaliers pratiquant l’avortement)
  • Garance
  • Jump, Solutions for equity at work
  • La Voix des Femmes
  • Le Monde selon les femmes
  • Mode d’Emploi asbl
  • Sofélia
  • Solidarité Femmes La Louvière
  • Soralia
  • Synergie Wallonie pour l’égalité entre les femmes et les hommes
  • Université des Femmes
  • Vie Féminine
  • Vrouwenraad (et ses membres)

La Sécurité sociale, notre bonne vieille « Sécu », est reconnue comme une des meilleures protections au monde. Elle nécessite d’être renforcée encore et encore, tant elle est imparfaite, c’est vrai. Elle nécessite d’être défendue comme jamais, tant certains veulent la démanteler. Rien n’est plus vrai. Pourtant, chacune de ses évolutions, si lentes soient elles, résulte de la mise en œuvre d’un concept simple : la solidarité.

Il faut dire qu’au 19e siècle, la Belgique accusait du retard en la matière, alors que son activité industrielle était florissante : textile, charbon, sidérurgie, etc., autant de secteurs où la Belgique se classait dans le top mondial de production. C’est notamment grâce aux révoltes ouvrières et en s’inspirant du modèle allemand que les premières lois de protection du travail ont vu le jour, comme par exemple la loi de 1903 qui protège les ouvriers des accidents de travail. Cette étape dans ce qui préfigure notre Sécu est plus fondamentalement une manière de mettre en œuvre le contrat social, c’est-à-dire cet accord tacite entre tous les citoyens, qui donne naissance à une société, et qui distribue droits et devoirs aux gouvernés et gouvernants. Il en sera de même en ce qui concerne l’assurance vieillesse, l’assurance pension obligatoire, l’indemnisation des maladies professionnelles, les allocations familiales ou encore les congés payés. C’est l’idée que chaque personne participe à l’intérêt collectif, respecte l’autorité de l’État, pour autant que celui-ci la protège. In fine, c’est un consentement mutuel entre l’État et l’individu, afin que l’un et l’autre puissent vivre ensemble. Mais si le contrat vient à se rompre d’un côté comme de l’autre, naît une forme de déséquilibre, et c’est tout l’édifice social qui s’effrite.

Le statut de cohabitant

En Belgique, le statut de cohabitant fait partie intégrante de la Sécurité sociale. Il constitue l’un des trois statuts possibles pour le versement des allocations sociales. Les deux autres statuts, bien plus avantageux, sont « cohabitant avec charges de famille » et « isolé ». En d’autres termes, en fonction des personnes avec lesquelles vous vivez ou ne vivez pas, le revenu de vos allocations sociales fluctue : « Dis-moi avec qui tu vis et je te dirai ce dont tu as besoin ». Pour illustrer, prenons l’exemple d’une personne qui ne dispose d’aucune ressource pour vivre et qui peut donc prétendre au revenu d’intégration social (RIS). En couple avec un enfant, cette personne touchera 1.707 euros. Seule, elle touchera 1.263 euros. Enfin, si elle vit avec une personne, mais sans enfant, donc si elle est « cohabitante », elle touchera 842 euros. 842 euros… Loyer, chauffage, nourriture. On a beau faire le calcul dans tous les sens. Tout ne rentre pas dedans. Même si l’on habite à deux.

Le statut de cohabitant vient de l’idée biaisée que l’on dépense deux fois moins en vivant à deux. Par ailleurs, il est totalement figé dans le temps puisqu’il oublie toutes les nouvelles formes de famille ou d’habitat. Quels que soient les chiffres, il faut également apporter une lecture genrée à cette problématique, née d’une vision archaïque et patriarcale du couple. « Au sein du couple, la charge des enfants et du ménage reste une histoire de femmes, ce qui les encourage ou les oblige à rester à la maison ou au moins, à diminuer leur temps de travail. Et lorsqu’elles travaillent, elles sont employées majoritairement dans des secteurs où elles n’ont pas d’autres choix que de travailler à temps-partiel (secteur du nettoyage, des soins de santé, de la vente, de la petite enfance, etc.) et où les contrats sont précaires (bas salaire, contrat de courte durée, horaires flexibles, etc.) »

Du contrat social

Mais surtout, ce statut va à l’encontre d’un État de droit. Il repose en effet sur un flou juridique qui supprime un droit fondamental : celui de l’accès à la Sécurité sociale en tant qu’individu, avec ses droits propres. En effet, par défaut, lorsque vous vivez par exemple en colocation, vous êtes de facto considéré comme étant « cohabitant ». Ce n’est qu’en prouvant que vous ne retirez aucun avantage économique de la cohabitation que vous pouvez alors prétendre au statut d’isolé. Les contrôles sont non seulement invasifs (par exemple en vérifiant le nombre de tubes de dentifrice) mais également dépourvus de sens (par exemple… en vérifiant le nombre de de tubes de dentifrice). Pour Sarah de Liamchine, codirectrice de Présence et Actions culturelle (PAC), « l’instauration de ce statut et la contrainte de vérifier son existence ou non chez les bénéficiaires d’allocations ou de revenus de remplacement permet à l’État, ou à des services administratifs agissant pour lui, de réduire un droit fondamental des citoyen.nes, celui du respect de la vie privée. » Car c’est aussi l’intention de l’État qui est pointée du doigt, tant elle stigmatise et délite la cohésion sociale : « Dans une société où la tentation est forte d’opposer les personnes et de chercher des coupables, ce déni de droit participe certainement à la stigmatisation des allocataires sociaux. Qui dit contrôle dit fraude potentielle, qui dit fraude dit fraudeur.euse. Quel message ces visites domiciliaires envoient-elles aux citoyen.nes contrôlé.es ? Et plus largement, quel message ces visites envoient-elle au reste de la population et avec quelles conséquences en matière de cohésion sociale ? »

Tous ces éléments, au-delà de l’impact sur le quotidien des personnes bénéficiaires, participent en réalité à la rupture du contrat social. La personne est niée en tant qu’individu, avec ses droits propres. Elle est de facto placée dans un sous-régime de droits sociaux et est donc diminuée dans sa nature de citoyen. Le contrat social initial, celui qui maintient le subtil équilibre entre droits et devoirs, celui qui invite le citoyen à respecter l’État si celui-ci le protège, ce contrat initial se fissure. Dès ce moment, la tentation de se détourner de la société et d’aller chercher des réponses ailleurs est réelle.

Glissement

Le lien entre le vote pour les extrêmes et les classes socio-économiques est éminemment complexe. Le Centre d’Action Laïque et sa régionale du Brabant wallon ont d’ailleurs travaillé sur cette thématique durant la campagne d’éducation permanente 2023, liée à la lutte contre les extrémismes. Cette corrélation sera certainement davantage documentée dans les années à venir vu la progression constante de l’extrême droite, notamment en Europe. Mais dans leur nouvel essai Une histoire du conflit politique (Seuil), Thomas Picketty et Julia Cagé ont analysé en profondeur le vote français depuis 1789. Leur constat est sans appel : si le vote populaire des villages et des bourgs a basculé en partie sur le Rassemblement National, ce n’est pas tant sur la question identitaire. Toutes leurs données suggèrent que ce n’est pas principalement un vote anti-immigrés, mais un vote d’abandon socio-économique.

Ainsi, toute entorse au contrat social censé protéger les citoyens devient un risque démocratique, car chacun de ces coups de canif alimente cet « abandon socio-économique » et cette tentation d’aller chercher des réponses ailleurs, là où les ennemis sont clairement désignés. Les sondages qui se suivent démontrent tous que le premier parti politique en Belgique est virtuellement le Vlaams Belang. Une récente étude du Conseil européen pour les relations internationales(ECFR) prédit quant à elle la nette progression des deux groupes situés à l’extrême droite de l’échiquier politique : le groupe des Conservateurs et Réformistes européens (ECR) et Identité et Démocratie (ID). Cette étude se base en particulier sur le fait que dans neuf États membres, l’extrême droite arrive en tête des sondages : Autriche, Belgique, Tchéquie, France, Hongrie, Italie, Pays-Bas, Pologne et Slovaquie.

Le statut de cohabitant n’est donc plus seulement inapproprié et obsolète. Dénoncé depuis plus de 40 ans par la société civile, il participe à l’effritement de notre édifice social et donc à la méfiance générale envers notre État de droit. Le statut de cohabitant concerne près de 300.000 personnes en Belgique. Les montants reçus sont bien inférieurs à ceux des isolés et bien inférieurs au seuil de pauvreté. Il est donc temps de mettre fin à ce statut. Pour le Centre d’Action Laïque, le droit à un niveau de vie digne constitue un préalable indispensable à l’exercice d’autres droits fondamentaux. La justice sociale et la dignité humaine sont des conditions de l’émancipation et donc d’un projet de société attaché au progrès social. Et c’est quand les droits vitaux des personnes ne sont plus respectés que la tentation devient grande de se tourner vers les extrêmes. En d’autres termes, la question de la solidarité et de l’émancipation des individus est indubitablement liée à celle de la démocratie.

Un dernier chiffre : deux millions de Belges, soit près de 20 % de la population, courent actuellement un risque de pauvreté ou d’exclusion sociale. La lutte contre la pauvreté doit donc réunir tous nos efforts, notamment par l’individualisation des droits sociaux. Cette priorité doit nous permettre de refaire société ensemble, à travers la promotion des valeurs de solidarité, de liberté et d’émancipation. Cela demeure une question de respect de la dignité de chacune et chacun. Mais cela représente désormais aussi un enjeu démocratique incontournable.

Ce régime « définitif » est remplacé par une allocation temporaire pour inaptitude physique. L’objectif est de favoriser le retour au travail des agents de moins de 50 ans en maladie. Soit environ mille personnes par an.

C’est une fosse à oubli. » Cet endroit, c’est celui où tombaient, jusqu’à présent, les agents de la fonction publique qui, en raison d’un sérieux problème de santé (cancer, maladie chronique, etc.), se retrouvaient pensionnés pour inaptitude physique. Un régime sans retour en arrière possible pour des personnes contraintes de se débrouiller avec une faible retraite (reflet du petit nombre d’années de travail) sous peine de perdre leur droit à ce revenu de remplacement qu’ils ne pouvaient pas « compléter » au-delà de 1.215 euros brut par an. Un système que le gouvernement fédéral s’apprête à remplacer par une allocation temporaire pour inaptitude physique. Le point est à l’ordre du jour du conseil des ministres restreint de ce vendredi.

On le sait, le retour au travail des malades de longue durée est devenu un enjeu crucial dans la perspective d’atteindre un taux d’emploi de 80 % en 2030. Mettre tous les demandeurs d’emploi ne suffira pas et, au cours de cette législature, un parcours de retour au travail a été mis en place par le ministre fédéral de la Santé, Frank Vandenbroucke (Vooruit). Cela valait pour les salariés du privé. Avec ses collègues Petra De Sutter (Fonction publique) et Karine Lalieux (Pensions), il vient d’imaginer la même chose pour les agents de la fonction publique.

« Aujourd’hui, lorsqu’un fonctionnaire est mis en pension pour inaptitude physique, c’est définitif », rappelle Karine Lalieux (PS). « Il ne pourra plus retravailler, même partiellement, sans perdre ses droits et sans même bénéficier d’une allocation de chômage s’il y renonce. C’est une catastrophe pour la personne, la société et il n’y a aucune responsabilité de l’employeur. » Une situation dans laquelle se trouvent actuellement 87.000 personnes, rejointes chaque année par une cohorte de 2 à 3.000 personnes, dont un millier de fonctionnaires de moins de 50 ans. C’est à eux, principalement, que s’adresse cette réforme.

A partir du 1er janvier 2025 (pour peu que cette réforme puisse être approuvée au parlement avant l’ultime séance du 8 mai prochain), un agent confronté à une inaptitude physique recevra une allocation temporaire et plus une pension. Celle-ci restera le fruit de ses années de cotisation et sera complétée par une aide afin d’atteindre le montant de la pension minimum. « Ce sera désormais un droit individuel et plus soumis à la condition des revenus du conjoint », précise la ministre des Pensions.

L’agent et son employeur responsabilisés

Dès sa mise en maladie, la personne bénéficiera d’un suivi du Medex (où siègent les médecins-conseils) et sera accompagnée par un coordinateur de retour au travail (un budget de cinq millions par an est prévu pour les recruter). Sur la base d’un questionnaire préalable rempli par le travailleur, ce dernier évaluera la possibilité d’un retour au travail, dans la fonction initiale ou dans une autre. L’employeur (ici, une administration) sera responsabilisé car le lien statutaire avec le fonctionnaire subsistera tant qu’une solution à son dossier n’aura pas été trouvée ; il devra pouvoir démontrer qu’il a tout mis en œuvre pour permettre le retour de l’appointé et, dans le cas contraire, continuera à assumer le traitement de l’employé.

Le fonctionnaire, lui, pourra refuser si le poste proposé ne répond pas aux critères d’un emploi « convenable » ou si ce changement affecte sa rémunération. « Par contre, s’il ne coopère pas, son allocation pourra être suspendue », concède Karine Lalieux. Fameuse épée de Damoclès, tout de même. En cas d’impossibilité de retour, il conservera ses droits au chômage. Durant sa convalescence, l’agent pourra suivre une formation en vue d’une éventuelle reconversion, de même qu’il pourra travailler à temps partiel pour un revenu plafonné à 9.636 euros brut par an pour un isolé et 13.850 euros brut par an pour un ménage.

Karine Lalieux se félicite de cette réforme bâtie en concertation avec ses deux collègues, mais aussi avec les différents niveaux de pouvoir et avec les syndicats. Les entités fédérées devront néanmoins encore se prononcer au sein des comités A et B, notamment. Restera alors le passage au Conseil d’Etat, puis le vote au Parlement. Un timing serré pour une réforme « que les gouvernements précédents ont voulu mener sans y arriver ».

On n’est pas des pigeons! » du 20 novembre 2023, abordant la problématique du statut de cohabitant·e.

Tous les partenaires de la Vivaldi, à l’exception d’Ecolo, indiquent qu’ils ne voteront pas la proposition socialiste de supprimer le statut de cohabitant.

Dans son « combat » visant à supprimer le statut de cohabitant, le PS peut compter sur une coupole d’associations qui tentent depuis des années d’alerter le politique sur les inégalités (surtout de genre) que génère la situation actuelle. La Cour constitutionnelle a également été saisie à ce sujet.

Il y a pourtant très peu de chance pour que le projet de loi déposé ce jeudi passe la rampe du débat en commission. Pour le MR, Florence Reuter rappelle que ce statut a été créé pour financer la sécurité sociale dans les années septante car la situation économique n’était pas idéale à l’époque. « Or, la situation a plutôt empiré depuis ! Si nous ne sommes pas opposés au principe d’“un individu, des droits”, on ne peut pas uniquement agir aux bénéfices des allocataires sociaux. On parle tout de même de presque deux milliards et on ne mentionne pas l’indexation des salaires. »

La libérale estime qu’il s’agit d’une proposition « purement électoraliste » du PS. « Si on parle allocation, on ne doit pas uniquement parler de “rehausser”. Il faut aussi discuter de la limitation dans le temps du chômage par exemple. Nous avons besoin d’une refonte complète de la sécu. »

Le PS ne trouvera pas plus de soutien au CD&V, autre partenaire de la majorité qui estime lui aussi que le coût est trop élevé, qu’il vaut mieux axer les moyens disponibles « sur les personnes les plus démunies ».

Plus surprenant : la logique des socialistes francophones n’est pas celle des socialistes néerlandophones de Vooruit. Le parti de Conner Rousseau rappelle qu’il existe déjà un système permettant d’augmenter le revenu d’intégration d’une personne pour couvrir les dépenses essentielles : « Le risque, en supprimant le statut de cohabitant, est de donner plus que nécessaire à certaines personnes qui ont moins de frais fixes qu’une personne isolée. »

Patricia vit avec 800 euros d’allocation de chômage par mois parce qu’elle héberge son fils qui travaille. Une injustice aux yeux du PS qui dépose ce jeudi une proposition de loi visant à supprimer le statut de cohabitant qui concerne plus de 500.000 Belges. La démarche à toutefois peu de chance d’aboutir avant les élections.

Début de semaine compliqué pour Patricia à Blaton près de la frontière française. La quinquagénaire au chômage depuis mai dernier, et en arrêt de travail depuis près de deux ans, est revenue bredouille du CPAS. « J’ai voulu demander une prime énergie pour m’aider à payer ma facture de 579 euros de mazout. On me la refuse car je dépasse les plafonds alors que je touche 800 euros par mois. Ils m’ont demandé une composition de revenus qui indique que mon fils gagne 2.000 euros, mais ce n’est pas mon argent ! »

Comme plusieurs centaines de milliers de Belges (540.000 précisément), Patricia est impactée par le régime du statut de cohabitant. Il implique que les droits sociaux ne sont pas liés à chaque personne mais à la composition des revenus du ménage dans lequel il ou elle réside.

Aux yeux de l’Etat, Patricia vit donc théoriquement avec 2.800 euros (son allocation, additionnée au salaire de militaire de son fils), mais ce n’est pas sa manière de voir les choses : « Je ne vais quand même pas demander à mon enfant de payer un loyer ou de quitter la maison juste pour que je puisse toucher une allocation plus importante », se lamente celle qui était aide logistique en milieu hospitalier jusqu’à un burn-out. « Ce qui compte pour moi, c’est qu’il puisse économiser pour s’acheter une maison. Je suis gênée de devoir demander de l’argent à mes enfants mais pour payer la facture de mazout, je n’ai pas eu le choix. Je pourrais faire comme les autres et frauder, sauf que ce n’est pas dans ma mentalité ! »

Un coût « plus qu’acceptable »

Patricia estime être victime d’une « injustice » organisée par l’Etat. Une injustice à laquelle entend répondre le PS via une proposition de loi déposée ce jeudi à la Chambre. « C’est l’aboutissement d’un long combat qui s’est heurté à de nombreux blocages de la droite », détaille Ahmed Laaouej, chef de groupe des socialistes. « Ils disaient que supprimer le statut de cohabitant n’était pas finançable ou carrément impayable. Or, la Cour des comptes a estimé le coût à 1,9 milliard d’euros. Ce n’est rien en comparaison des 120 milliards du budget de la sécurité sociale ou des réductions de cotisations sociales de plusieurs milliards d’euros accordées sans compensation par le gouvernement précédent. Par ailleurs, nous proposons plusieurs pistes pour compenser cette dépense, comme la taxe sur les grands patrimoines. »

Dans la logique des socialistes : puisque l’argument du « coût » tombe, plus rien ne s’oppose à ramener « une égalité de traitement entre les assurés sociaux ». Tout le monde serait logé à la même enseigne et Patricia verrait son allocation remonter à environ 1.200 euros par mois. « Il n’est pas acceptable en 2023 d’être pénalisé financièrement parce qu’on vit avec quelqu’un », poursuit Ahmed Laaouej. « Par ailleurs, ce sont surtout les femmes qui sont victimes de ce système inégalitaire. En supprimant le statut de cohabitant, on rétablit une égalité entre hommes et femmes. On assure aussi une meilleure protection de la vie privée car il n’y aura plus besoin de contrôler la manière dont vous vivez. On peut même y voir un facteur de stabilisation économique : avec un pouvoir d’achat plus important, les gens consomment et soutiennent la demande intérieure. »

Promesse de campagne (bis ?)

Ce « combat » des socialistes était une promesse de campagne non concrétisée jusqu’ici. Elle ne fait pas partie de l’accord de gouvernement de la Vivaldi et les partenaires sont tous opposés à la mesure (lire par ailleurs), à l’exception d’Ecolo qui considère effectivement qu’il y a un « momentum » à saisir mais n’a pas déposé de texte à ce stade. Le point devrait revenir dans le programme des verts pour les élections de 2024.

Il y a donc peu d’espoir pour Patricia et les autres de voir leur allocation remonter sous cette législature. « Mon expérience parlementaire m’amène à dire qu’on ne peut jamais rien prévoir de ce qu’il peut se passer d’ici les élections », nuance Amhed Laaouej, qui n’envisage toutefois pas de majorité alternative avec le PTB ou d’autres partis d’opposition pour voter le texte. « Le PS se veut un facteur de stabilité au sein du gouvernement. Cela n’empêche pas de mener le débat. Il faut que les masques tombent. Comment peut-on dire que l’on se bat contre les inégalités et maintenir cette machine à précarité qu’est le statut de cohabitant ? Il faut être cohérent. »

Ce mercredi, la cour constitutionnelle a abordé la question du statut de cohabitant. Pour tenter de définir ce statut, 10 associations ont fait une intervention, notamment la ligue des droits humains.

Pour commencer, ce statut sert à estimer le montant des prestations sociales tout comme les allocations de chômage. Les cohabitants ont droit à des aides, mais de manière moins importante que pour des personnes isolées ou ayant des personnes à charge. Au niveau de la définition, il faut vivre sous le même toit et se partager les éléments ménagés. Mais en fonction des situations, ce statut peut faire débat.

Cela fait des années que les associations demandent une individualisation des droits. Si un jour, cette demande, où tous les cohabitants deviennent des personnes isolées, est acceptée, cela couterait environ 1,9 milliard d’euros à l’État.

Le débat sur le statut de cohabitant revient sur la table. Le statut pénalise les citoyens qui perçoivent des allocations de remplacement lorsqu’ils cohabitent avec d’autres personnes. Ce mercredi 18 octobre, la Cour constitutionnelle doit se prononcer sur ce statut en matière de chômage.

Le statut de cohabitant en Belgique concerne 584.000 personnes(chômage, GRAPA, revenu d’intégration sociale, invalidité, personnes handicapées) dont 155.500 chômeurs. Ce statut est considéré comme discriminatoire par une vingtaine d’organisations réunies au sein de la plateforme « Stop au statut de cohabitant.e ».  

Ces associations d’horizons différents* se mobilisent à la veille d’un nouveau débat sur ce statut décrié. Ce mercredi 18 octobre, la Cour constitutionnelle doit se prononcer sur ce statut en matière de chômage au regard de la Constitution et du droit européen de l’égalité entre hommes et femmes.

« L’enjeu est de reconnaître que ce statut – injuste et précarisant les personnes qui perçoivent des allocations – est contraire aux articles 10 et 11 de la Constitution qui consacrent la non-discrimination des citoyens belges et ainsi qu’au droit de l’égalité de traitement entre hommes et femmes prescrit par le droit européen notamment », plaident les dix associations.

“Un statut injuste et précarisant les personnes qui perçoivent des allocations »

Le problème du statut de cohabitant est lié au fait que la situation de la personne est prise en compte pour fixer les allocations de remplacement auxquelles elle a droit: CPAS, chômage, handicap. Ces personnes voient aujourd’hui leurs allocations diminuer, car elles cohabitent sous le même toit que d’autres personnes qui travaillent.

En fin de dégressivité de ses allocations (troisième période), un bénéficiaire d’allocations de chômage perçoit 1.296,36 euros en tant qu’isolé et 672,88 euros s’il cohabite. Le revenu d’intégration sociale dépend également de la situation familiale et de la cohabitation. Ainsi, une personne cohabitante avec charge de famille reçoit 1.673 euros, une personne isolée 1.238 euros et 825 euros en tant que cohabitante. Aujourd’hui, la majorité des personnes au chômage sont des femmes (51,4 % de femmes contre 39,9 % d’hommes). En 3ème période de chômage, on compte 38, 54% de femmes et 24,11 % d’hommes, selon les données de l’ONEM.

« Pourtant, ces personnes, lorsqu’elles avaient un emploi, contribuaient à la sécurité sociale selon un taux de cotisation identique », avance le collectif d’associations. Il dénonce également le fait que les personnes sous ce statut sont « contrôlées, traquées, soupçonnées par l’ONEM de maquiller leur cohabitation afin de recevoir les mêmes allocations que les personnes catégorisées isolées ».

« Un modèle familialiste dépassé »

Ce statut créé il y a 40 ans et fondé sur un modèle familialiste, est de plus en plus en décalage avec l’évolution de la société. « Aujourd’hui, la colocation, qui amène plusieurs personnes sans lien particulier à vivre sous le même toit, le logement intergénérationnel ou même l’habitat groupé sont souvent une solution aux problèmes d’accès au logement et d’augmentation du coût de l’énergie. De nombreuses personnes, qui pour prendre soin d’un parent, d’un enfant devenu adulte, mais porteur de handicap voudraient vivre ensemble, notamment pour faire des économies d’échelle, mais en sont empêchées en raison du risque de pénalisation lié à ce statut de cohabitant. Or, les crises successives, sanitaire, économique et sociale, ont démontré les besoins accrus de solidarité », argumentent par voie de communiqué les porte-parole des associations qui militent contre ce statut depuis des années.

La plupart des partis favorables à la suppression du statut de cohabitant

La plupart des partis – à l’exception de la NVA et du CD&V – sont favorables à la suppression de ce statut. Le PS a déposé en septembre dernier une proposition de loi afin d’y mettre un terme.

La Cour des comptes a chiffré le coût de l’alignement des allocations pour cohabitants sur les allocations pour personnes isolées à 1,86 milliard d’euros pour l’ensemble des prestations sociales, dont 446.000 euros pour la branche chômage. Un coût considéré comme “tout à supportable” par les socialistes.

Le terrain semble donc de plus en plus propice à un changement dans la législation et les mentalités. Pour preuves: récemment, les autorités ont à plusieurs reprises levé la distinction entre isolé et cohabitant pour l’octroi d’allocations, notamment lors de la crise sanitaire pour éviter de pénaliser les travailleurs en chômage temporaire. Ce fut aussi le cas pour les victimes des inondations de l’été 2021 tout comme pour les hébergeurs de réfugiés ukrainiens.

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Dans le cadre de l’opération « pourquoi », les abonnés du « Soir » ont soumis plus de 1.000 questions à la rédaction. Découvrez notre réponse à la question posée par Francis, de Jumet.

C’est une bizarrerie administrative qui existe en Belgique (et sans doute ailleurs mais pas forcément chez nos voisins) : le statut de cohabitant. Il concerne celui qui vit avec une autre personne mais qui, étant en partie à charge de celle-ci (parce que ses revenus sont supérieurs), perçoit une allocation moins élevée que celle d’autres personnes dans le même état (chômeur, pensionné, minimexé, etc.) mais avec une situation familiale différente. En Belgique, cela concerne 584.000 personnes. Une source de discrimination sur laquelle la Cour constitutionnelle s’est penchée récemment, à la mi-octobre.

A la demande de dix associations, dont la Ligue des Droits humains (LDH), elle doit se pencher sur une question préjudicielle de la Cour du travail de Liège sur la différence entre chômeur cohabitant et isolé ou chef de ménage. « Il s’agit de décider si ce statut est contraire aux articles 10 et 11 de la Constitution sur la non-discrimination des citoyens belges et sur l’égalité entre homme et femme », explique Sébastien Gratoir, président de la Commission Droits économiques, sociaux et culturels de la LDH.

C’est que la différence est flagrante. Prenez un chômeur arrivant en 3e période de chômage (le moment où la dégressivité joue à plein régime) : il percevra une allocation différente s’il est isolé (1.296,36 euros) ou cohabitant (672,88 euros), alors que dans les deux cas, il aura cotisé de manière identique quand il disposait d’un emploi. Or cette différence est genrée : 51,4 % des chômeuses sont cohabitantes, pour 39,9 % des chômeurs. Soit un total de 155.500 demandeurs d’emploi. Et cet écart s’accroît avec le temps puisque dans la 3epériode de chômage, ce statut concerne 38,54 % des femmes en demande d’emploi indemnisée, pour 24,11 % des hommes. « Cela correspond à une vision ancienne, dépassée, du ménage, de la famille, déplore Sébastien Gratoir. Cela ne tient pas compte des nouvelles formes de cohabitation. Avec ce statut, on punit la solidarité des gens qui décident de vivre ensemble pour faire face à la hausse du coût de l’existence. »

A tel point que les partis de gauche avaient inscrit sa suppression à leur programme électoral en 2019. Et aujourd’hui, à l’exception de la N-VA et du CD&V, tous les autres partis se montrent ouverts à la fin du statut de cohabitant (sans préciser à quel niveau ils situeraient le montant de l’allocation individuelle). Et pourtant, rien ne bouge ou presque. Outre la peur à gauche d’un nivellement par le bas de l’allocation de chômage, c’est le coût qui explique sans doute le statu quo actuel. Mettre fin à cette distinction discriminatoire entre les pensionnés, les minimexés, les chômeurs… coûterait 1,86 milliard d’euros, selon le dernier calcul effectué par la Cour des comptes. Et la seule suppression du statut dans le régime du chômage alourdirait le coût des allocations de 446 millions. En cette période de vaches maigres budgétaires, on comprend que la Vivaldi ne se précipite pas pour changer la donne. D’autant que cette mesure ne profiterait probablement qu’aux formations de gauche.

Cette frilosité ne refroidit pas pour autant le milieu associatif. L’année passée, à l’initiative du Mouvement ouvrier chrétien (MOC) et de Présence et Action Culturelles (PAC), un colloque a été organisé, afin de sensibiliser le public sur cette source de discrimination. Et de remobiliser un secteur associatif bien décidé à faire inscrire cette revendication dans la déclaration de politique générale du prochain gouvernement fédéral. Ecolo et le PS, eux, ont déjà fait savoir qu’ils la défendraient dans des négociations pour une nouvelle coalition. Et le PTB l’a, lui aussi, inscrit à son programme. Alors, maintenant que la Cour constitutionnelle se penche sur le sujet, certains se disent que le moment est peut-être venu.