Le débat sur le statut de cohabitant revient sur la table. Le statut pénalise les citoyens qui perçoivent des allocations de remplacement lorsqu’ils cohabitent avec d’autres personnes. Ce mercredi 18 octobre, la Cour constitutionnelle doit se prononcer sur ce statut en matière de chômage.
Le statut de cohabitant en Belgique concerne 584.000 personnes(chômage, GRAPA, revenu d’intégration sociale, invalidité, personnes handicapées) dont 155.500 chômeurs. Ce statut est considéré comme discriminatoire par une vingtaine d’organisations réunies au sein de la plateforme « Stop au statut de cohabitant.e ».
Ces associations d’horizons différents* se mobilisent à la veille d’un nouveau débat sur ce statut décrié. Ce mercredi 18 octobre, la Cour constitutionnelle doit se prononcer sur ce statut en matière de chômage au regard de la Constitution et du droit européen de l’égalité entre hommes et femmes.
« L’enjeu est de reconnaître que ce statut – injuste et précarisant les personnes qui perçoivent des allocations – est contraire aux articles 10 et 11 de la Constitution qui consacrent la non-discrimination des citoyens belges et ainsi qu’au droit de l’égalité de traitement entre hommes et femmes prescrit par le droit européen notamment », plaident les dix associations.
“Un statut injuste et précarisant les personnes qui perçoivent des allocations »
Le problème du statut de cohabitant est lié au fait que la situation de la personne est prise en compte pour fixer les allocations de remplacement auxquelles elle a droit: CPAS, chômage, handicap. Ces personnes voient aujourd’hui leurs allocations diminuer, car elles cohabitent sous le même toit que d’autres personnes qui travaillent.
En fin de dégressivité de ses allocations (troisième période), un bénéficiaire d’allocations de chômage perçoit 1.296,36 euros en tant qu’isolé et 672,88 euros s’il cohabite. Le revenu d’intégration sociale dépend également de la situation familiale et de la cohabitation. Ainsi, une personne cohabitante avec charge de famille reçoit 1.673 euros, une personne isolée 1.238 euros et 825 euros en tant que cohabitante. Aujourd’hui, la majorité des personnes au chômage sont des femmes (51,4 % de femmes contre 39,9 % d’hommes). En 3ème période de chômage, on compte 38, 54% de femmes et 24,11 % d’hommes, selon les données de l’ONEM.
« Pourtant, ces personnes, lorsqu’elles avaient un emploi, contribuaient à la sécurité sociale selon un taux de cotisation identique », avance le collectif d’associations. Il dénonce également le fait que les personnes sous ce statut sont « contrôlées, traquées, soupçonnées par l’ONEM de maquiller leur cohabitation afin de recevoir les mêmes allocations que les personnes catégorisées isolées ».
« Un modèle familialiste dépassé »
Ce statut créé il y a 40 ans et fondé sur un modèle familialiste, est de plus en plus en décalage avec l’évolution de la société. « Aujourd’hui, la colocation, qui amène plusieurs personnes sans lien particulier à vivre sous le même toit, le logement intergénérationnel ou même l’habitat groupé sont souvent une solution aux problèmes d’accès au logement et d’augmentation du coût de l’énergie. De nombreuses personnes, qui pour prendre soin d’un parent, d’un enfant devenu adulte, mais porteur de handicap voudraient vivre ensemble, notamment pour faire des économies d’échelle, mais en sont empêchées en raison du risque de pénalisation lié à ce statut de cohabitant. Or, les crises successives, sanitaire, économique et sociale, ont démontré les besoins accrus de solidarité », argumentent par voie de communiqué les porte-parole des associations qui militent contre ce statut depuis des années.
La plupart des partis favorables à la suppression du statut de cohabitant
La plupart des partis – à l’exception de la NVA et du CD&V – sont favorables à la suppression de ce statut. Le PS a déposé en septembre dernier une proposition de loi afin d’y mettre un terme.
La Cour des comptes a chiffré le coût de l’alignement des allocations pour cohabitants sur les allocations pour personnes isolées à 1,86 milliard d’euros pour l’ensemble des prestations sociales, dont 446.000 euros pour la branche chômage. Un coût considéré comme “tout à supportable” par les socialistes.
Le terrain semble donc de plus en plus propice à un changement dans la législation et les mentalités. Pour preuves: récemment, les autorités ont à plusieurs reprises levé la distinction entre isolé et cohabitant pour l’octroi d’allocations, notamment lors de la crise sanitaire pour éviter de pénaliser les travailleurs en chômage temporaire. Ce fut aussi le cas pour les victimes des inondations de l’été 2021 tout comme pour les hébergeurs de réfugiés ukrainiens.