Témoigner

Françoise

Je suis née avec une maladie génétique dont les premiers symptômes se sont déclarés à mon adolescence. Ce n’est qu’après la soixantaine que le (bon) diagnostic fut posé. Durant toute mon existence, il m’a fallu composer avec les symptômes douloureux et limitants d’une maladie qui a affecté mon autonomie. Je suis maman de trois enfants. J’ai assumé la charge éducative tout en travaillant à temps plein lorsque je savais le faire. Mais cela devenait de plus en plus difficile. Mon dernier emploi à temps plein, je l’ai fait en tant qu’employée administrative et logistique au sein d’une entreprise située pas loin de la région où je vivais. Un jour, le patron a annoncé qu’il délocalisait la boîte sur Bruxelles. Il n’y avait pas à discuter. C’est à ce moment-là que ma vie a littéralement basculé. Mon état de santé s’étant dégradé, j’étais parfaitement consciente de ne pouvoir assumer ma charge professionnelle de la même façon si en plus s’ajoutait la fatigue engendrée par de plus longs trajets. Déjà que jusque-là, mes temps libres, je devais les passer à me soigner et me reposer. C’est à contrecœur que j’ai dû renoncer à mon emploi.

La baisse de mes revenus fut drastique puisqu’ils étaient conditionnés par ma composition de ménage vu que j’étais mariée. Me retrouver au chômage n’a pas été facile à accepter, d’autant que l’ONEM me mettait tout logiquement la pression pour que je retrouve un emploi au plus vite.

À cause de ma maladie, je ne pouvais pas accepter n’importe quoi : mon corps refusait de m’obéir et le mi-temps médical ne m’était pas accessible. Avec la meilleure volonté du monde, je ne pouvais pas assumer la charge de travail qu’on attendait de moi. N’étant toujours pas reconnue comme porteuse d’une maladie invalidante, je tournais en rond, ballottée entre le chômage et la mutuelle. Mon époux débutant à ce moment-là une maladie mentale, au sein de mon couple, la situation devenait intenable. Les tensions étaient palpables. Je ne connaissais pas de répit entre les conflits. Mais je ne pouvais envisager de quitter le domicile conjugal puisque mes revenus de remplacement ne me permettaient pas de poser librement mes choix de vie. C’était comme choisir entre la peste et le choléra. Subir la maltraitance intrafamiliale ou partir vivre dans la précarité, d’autant que le chômage, voyant en moi une chômeuse de longue durée, a fini par m’exclure.

Après la perte de revenus de cohabitante ridiculement bas, je me suis retrouvée carrément sans aucune ressource. J’ai donc dû subir une relation conjugale tourmentée durant de longues années, jusqu’au décès de mon mari. Aujourd’hui et après des analyses médicales appropriées, mon état de santé est reconnu. J’ai pu obtenir des aides matérielles de l’AVIQ et bénéficie d’avantages et droits prévus par la mutuelle, ce qui me facilite grandement la vie. Mais hormis mon état de santé spécifique, je réalise que ce statut cohabitant impacte particulièrement les femmes en les plaçant en situation de dépendance par rapport à leur conjoint. Si on m’avait accordé de quoi vivre dignement, des revenus entiers, je n’aurais pas gaspillé ces précieuses années au milieu de souffrances morales et psychologiques inhumaines. Ce système est profondément injuste et il faut le changer ! Il est temps !