J’ai toujours travaillé, depuis mes 15 ans. À l’usine d’abord, puis dans le secteur de la vente alimentaire. Un jour, je suis tombée des escaliers au travail et je me suis retrouvée à l’arrêt à cause de cet accident. Il a fallu me mettre une prothèse au genou et des vis dans la colonne vertébrale. À 49 ans, pour la première fois de ma vie, je me retrouvais à la maison. Mon compagnon s’est retrouvé au chômage à peu près au même moment. D’un coup, nos revenus ont drastiquement baissé. Nous n’avions pas de gros salaires, mais nous nous sommes retrouvés avec 1.500€ de moins tous les mois. Mon compagnon a très mal vécu la chose et a trouvé refuge dans l’alcool. Sans me le dire, il a loué une boîte aux lettres pour avoir un domicile ailleurs et organiser une fraude sociale. De la sorte, nos revenus étaient plus importants : il devenait « personne isolée » et moi « cheffe de ménage » puisque nous avions encore un fils de 14 ans à la maison. Je l’ai appris deux semaines après qu’il ait fait les démarches pour changer son domicile. Mais en réalité, nous avons continué à vivre sous le même toit. Depuis son changement de domicile, je vivais dans l’angoisse d’un contrôle. Je connaissais les conséquences, et ça m’empêchait de dormir.
Mon compagnon n’était déjà pas un tendre auparavant. Mais la situation s’est vite aggravée et c’est sur moi que sa violence se déchargeait. Coups, insultes, humiliations, parfois devant notre fils… il faisait une crise pour un oui ou un non. La première chose que je faisais, lorsque je sentais que ça dégénérait et qu’il allait péter un câble, c’était fermer les fenêtres. En effet, j’avais très peur que les voisins appellent la police en entendant ses coups et ses cris. Si la police débarquait, je pressentais la double peine : non seulement j’étais victime de violence conjugale mais, en plus, j’aurais été coupable de fraude sociale. J’aurais dû renoncer à mon revenu de survie et une sanction financière ou une condamnation aurait suivi… J’ai fini par partir de chez moi avec mon fils. J’ai laissé toute ma vie derrière moi et me suis retrouvée seule.
Travailler toute sa vie pour finir par renoncer à son domicile et avoir peur d’appeler au secours quand on est en danger : voilà les conséquences de ce foutu statut cohabitant ! Les seuls qui sont satisfaits de ce système, finalement, ce sont les marchands de sommeil !