Témoigner

Anna

Comment le statut cohabitant précarise les étudiant·es

En deux mots, je suis étudiante, j’ai 22 ans et à 18 ans je m’étais inscrite pour étudier la kinésithérapie à Bruxelles, études que j’ai arrêtées après 2 ans et de mes 20 ans à janvier 2022, j’ai travaillé avant de reprendre une formation que j’adore en septembre dernier : un bachelier assistante sociale de plein exercice à Bruxelles également.

Depuis janvier 2022 je bénéficie des allocations d’insertion statut cohabitant car je suis domiciliée chez mon papa en Wallonie mais j’aurais aimé me domicilier à Bruxelles en statut isolé étant donné que les allocations d’insertion statut isolé sont d’à peine 500eur par mois alors que statut cohabitant sont à environ 1000€ par moi soit le double ! Étant donné que je suis en colocation, j’ai attendu que deux de mes colocataires se démocilient pour voir si l’agent de quartier allait bien nous mettre isolé avant de moi même entreprendre les démarches mais la commune nous a mis sur la même composition de ménage alors que nous payons chacun notre loyer individuellement, ne partageons pas les frais des courses alimentaires, avons chacun notre étagère dans la cuisine etc… du coup si je veux me domicilier à Bruxelles il faudrait d’abord que l’on ait le statut isolé donc ça veut dire qu’il va falloir que j’entreprenne pleins de démarches (recours à la commune et document pour l’ONEM expliquant que ma situation administrative ne correspond pas à ma situation réelle) et donc je vais encore perdre plein de temps… Ça me fatigue d’avance… Je suis énervée car je suis en colocation étant donné le prix des loyers et en plus de ça ils ne veulent pas m’accorder le statut isolé donc c’est enfoncer les gens encore plus dans la précarité.

J’ai la chance d’avoir des parents qui m’aident financièrement sinon je ne pourrais pas faire mes études à Bruxelles qui d’ailleurs m’ont permis une grande émancipation sociale et de prendre mon indépendance car sinon avec à peine 500€ le mois je ne pourrais même pas payer mon loyer qui s’élève à 600€ par mois et surtout qu’étant donné que je touche les allocations d’insertion je ne peux pas faire de job étudiant donc je suis vraiment censée m’en sortir avec 500€ ce qui est clairement impossible, la vraie précarité étudiante si mes parents n’étaient pas là pour m’aider… Je suis juste une étudiante qui veut apprendre un métier pour pouvoir gagner ma vie et faire un job que j’aime et là quand j’ai besoin de faire appel aux aides que l’État devrait me donner j’y ai pas accès parce que je choisis un logement justement moins cher, parce que je ne pourrais pas me permettre autre chose. Et de plus, cela ne motive pas les jeunes dans mon cas à vivre en colocation alors que la colocation apprend notamment à vivre ensemble et à vouloir partir de sa famille (personnellement située en campagne) pour aller s’émanciper dans les grandes villes et prendre son indépendance…

On dit qu’on a de la chance d’avoir la sécurité sociale mais encore faut-il y avoir accès, quand je vois qu’alors que le français est ma langue maternelle j’ai des difficultés à remplir leur papier et à communiquer avec les travailleurs de la Capac ou autre institution similaire, je ne peux même pas penser aux personnes pour qui ce n’est pas le cas…

J’essaie toujours de tirer le positif et je me dis que cette expérience me donne encore plus la rage pour mon futur job d’assistante sociale, de me battre pour que les personnes aient accès à leurs droits!! et militer pour que les choses changent notamment ce statut cohabitant qui fait honte à la Belgique et qui ne fait que renforcer encore plus la précarité!!

Déjà le job d’étudiant donne une charge mentale continue car en dehors des cours il faut encore apprendre les cours mais en plus lorsqu’on est précaire on s’inquiète toujours d’avoir assez d’argent pour faire ses courses, payer l’impression de ses cours, participer à quelques événements et puis je pense aussi à mes autres frères et sœurs, nous sommes 6 enfants et j’ai déjà changé d’études alors je culpabilise énormément et j’ai l’impression de faire perdre de l’argent à mes parents et ça clairement ça joue sur ma santé mentale !!