Témoigner

Louis Hoebrechts

Comment le statut cohabitant laisse les personnes dans l'isolement

En septembre 2022 j’avais dû accepter un « accord » de libérer mon domicile, « logement » au bénéfice de mon ex-compagne/propriétaire qui m’avait donné un renon pour « occupation personnelle» (sans dédommagement), bien qu’elle n’ait pas eu besoin de deux appartements, deux cuisines, deux toilettes, deux douches, deux chambres et malgré que j’avais toujours payé mon loyer et ses charges et effectué des travaux à sa demande sans être rémunéré, en plus. Mon tort avait été d’être en burn-out/dépression depuis le premier confinement Covid.
J’avais demandé de l’aide au CPAS pour obtenir un adresse de référence car je ne trouvais pas d’autre logement. Mais j’ai fini par être radié de ma commune, puis suspendu des allocations de chômage.
Sans la législation cohabitant, j’aurais pu faire valoir mes droits autrement.
Mais le pire est tout de même la législation « domicile » : selon la constitution (art.63), tout belge a droit à un logement, mais pour l’ONEm, on n’a pas droit à des allocations de chômage sans domicile.
Je me demande qu’est-ce que c’est cette confusion entre « domicile », « logement » et « habitation », quand on nous demande de déclarer qu’on « habite seul » ou pas, alors qu’on a constitutionnellement droit à un logement, ce qui pour un chômeur s’apparente à un domicile.
Moi après mon expulsion et ma radiation, je n’« habitais pas » malgré mon droit constitutionnel, j’étais donc forcément seul puisque le CPAS ne m’avait pas aidé, mais temporairement j’ai gardé officiellement un domicile jusqu’à en être radié, également malgré mon droit constitutionnel.
Alors, j’étais hébergé car j’ai de la famille, mais être hébergé ne signifie pas habiter. Pour habiter, être logé, être domicilié, je dois nécessairement me sentir chez moi, être dans mes affaires, mes meubles, mon lit.
Habiter, c’est pouvoir avoir une vie sociale, inviter, recevoir, mais également partir, déloger, coucher ailleurs, aimer quelqu’un. Habiter, loger, c’est vivre.
La législation ne nous laisse pas vivre, la législation veut nous confiner à résidence, à l’isolement, comme des délinquants, sans nous donner les moyens financiers d’être logés dignement. Nous vivons dans une soit-disant démocratie libérale, mais nous sommes prisonniers d’un statut totalitaire immonde, celui d’isolé. Nous sommes maltraités, punis d’être pauvres, obligés de vivre dans des clapiers/studios prétendument sociaux quand on arrive à en obtenir un, au détriment de ce qui nous restait de « richesse », de mobilier qu’on ne peut plus caser, car l’aide sociale, la sécurité sociale, sont des mensonges consistant à nous brimer, nous appauvrir, nous délester de notre humanité.
En réalité, ONEm, CPAS, mutuelles, institutions sociales ne visent plus qu’à nous faire dégager de leur budget vers un autre, loin des yeux, loin du cœur. Nous ne sommes plus des gens, nous ne sommes rien d’autre que des chiffres de statistiques, des montants, là où aucun sentiment n’est admis, comme ceux qui ont pourtant motivé les concepts libéraux, sociaux, humanistes, chrétiens, de sécurité et d’aide sociale. Nous ne sommes même plus des chiens qu’on accueille sur ses fauteuils, encore moins « Alf l’extra-terrestre » puisque nous sommes humains, nous sommes confinés dans le vortex de notre cerveau, sur l’axe de notre nombril, à souffrir de solitude, à souffrir, à pleurer… Et forcément à haïr nos semblables lorsqu’ils entrent dans notre bulle de misère.
Après, on devrait respecter notre monde politique, nos fonctionnaires, notre police, notre justice, nos institutions. Mais qui nous respecte nous alors que nous n’avons pas le droit de nous respecter nous-mêmes ?